« Votre candidature n’a pas été retenue »

Je suis actuellement « en recherche d’emploi » – expression que l’on utilise quand cela fait plusieurs mois (voire plus d’un an en ce qui me concerne) que l’on a terminé nos études (et qu’on n’est plus « jeunes diplômés ») ; et quand on n’est pas « chômeur » car on n’a pas travaillé assez jusqu’à présent pour toucher une allocation. Je suis donc un ovni inscrit à Pôle Emploi depuis le mois de janvier, dotée d’un bac +5 à Sciences po et d’un MBA à la con pour une spécialisation qui ne mène nulle part.

Cela fait depuis janvier que je cherche dans mon secteur. On m’a dit d’attendre la fin de saison et le printemps afin de me tenir prête au moment où les équipes sont censées se renouveler. Rien. On m’a dit d’attendre la rentrée, rien.

Depuis le mois de janvier, je me suis mise au tricot et je tricote tellement que j’envisage d’ouvrir une boutique Etsy pour débarasser ma chambre de tout ce que j’ai entassé.

Depuis janvier, je me suis engueulée tellement de fois avec mes parents qu’ils n’ont jamais été plus compréhensifs avec moi qu’aujourd’hui de peur que je ne mette à pleurer, encore.

Depuis janvier, j’ai fait un tri dans mes amis et j’ai séparé les vrais des faux.

Depuis janvier, j’ai ouvert ce blog que je tente tant bien que mal de remplir comme j’essaie de remplir ma vie.

Depuis janvier, j’ai développé tellement de nouvelles activités parallèles pour ne pas devenir folle que je finis par n’avoir plus le temps de chercher correctement un emploi.

Depuis janvier, j’ai des sautes d’humeur incroyables et surtout des journées où je reste cachée sous ma couette en pleurant. Moi qui suis si fière, si enjouée, si optimiste, j’ai l’impression que je suis dans mes derniers retranchement.

Cette semaine je me suis enfin résolue à postuler à des offres de vendeuses de vêtements après avoir subi une énième déconvenue suite à un entretien qui s’était vraiment bien passé sauf que « je suis désolé mais nous n’avons plus le budget, même pour vous prendre en mi-temps. Mais rappelez en décembre car les choses se seront peut-être réorganisées d’ici là. »

Jusqu’à présent, on ne m’a pas rappelée. On me dit que je devrais travestir mon CV, cacher le fait que je sois sur-qualifiée, m’inventer des expériences de vendeuse. J’ai donc fait six années d’études au total pour les cacher. Si on m’enlève mes études, je suis une fille de 24 ans qui n’a rien fait depuis son bac ? Je ne suis pas bonne pour le secteur auquel je me suis destinée et je le serai trop pour un poste de vendeuse en CDD à temps partiel ? Je serais trop menaçante, risquerais de trop monter mon ambition ?

Ce matin j’ai perdu une demi-heure à remplir en ligne le test de personnalité de Mark & Spencer, pour que l’on m’annonce par mail une dizaine de minutes plus tard que ma candidature n’est pas retenue. Ma personnalité n’a pas convaincu et l’on ne m’a même pas rencontrée.

Je n’ai pas de compétences en Mark & Spencer, pas non plus en marketing ou en communication, ni en gestion, ni en comptabilité. Non, à part ça, j’ai beaucoup lu. J’ai une bonne culture générale. Je suis bilingue en Anglais. J’ai beaucoup d’humour. On me dit depuis toujours que j’ai énormément de potentiel, que le monde m’appartient, que je vais réussir plus vite, plus fort que les autres. Mais il semblerait que cela ne me donnera pas une place ici.